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mardi 14 janvier 2020

Violences policières (en France) : comme une histoire (presque) sans paroles


Toulouse (France). 9 janvier 2020.

Je suis souvent obligé de préciser de quel endroit j'écris (France), un nombre non négligeable de mes visiteurs vivant à l'étranger.

Il y a eu, donc, cette manifestation contre la réforme des retraites, et comme cela se produit maintenant de manière systématique, il y a des téléphones portables garnis de caméras.

Le 'youtubeur' s'appellerait Djemadine.






Je vous avais annoncé une histoire (presque) sans paroles ?

Presque !

Voilà qui nous rappelle la chute de cette femme âgée à Nice. Je veux parler de la militante Geneviève Legay, tombée par terre, et qui a vu des fonctionnaires de police l'enjamber comme s'il s'était agi d'un tas d'ordures. 

Dans le cas de Toulouse, il faut croire que l'abruti responsable de ce croc-en-jambes ne se savait pas filmé, ou alors... ! Mais il y a plus grave. Vous voyez les deux poteaux marqués d'une flèche rouge ? Ils sont en métal, et plutôt robustes !


Alors, imaginez qu'en tombant, la tête de la jeune femme ait heurté l'un des poteaux ; comme on peut le voir ci-dessous, on est passé pas loin de la catastrophe !

Question : l'individu responsable du croc-en-jambes sera-t-il encore dans la police quand l'IGPN aura bouclé son enquête ?

Wait and see...

Voilà qui nous rappelle toutes ces gueules cassées parmi les Gilets Jaunes, qui ayant perdu un œil, qui ayant eu la mâchoire fracassée, le crâne défoncé par un LBD, la pauvre Zineb Redouane morte dans son appartement du fait d'un lancer de grenade lacrymogène...

Et c'est là que je ne puis qu'aller jeter un œil dans mes archives, dans la rubrique : "Mort d'un quidam détenu par des policiers ou à la suite d'une intervention policière, ou d'un accident de la circulation impliquant un véhicule de police". Résultat sur les vingt dernières années : Autriche : zéro ; Allemagne  : zéro ; Espagne : zéro ; Italie : zéro ; Royaume-Uni : zéro ; Pays-Bas, Belgique, Luxembourg : zéro, Scandinavie : zéro...

Je sais bien qu'il existe une autre statistique : celle des policiers et gendarmes tués dans l'exercice de leur fonction, à l'instar de ce fonctionnaire percuté par un fourgon dérobé par des voleurs pris en flagrant délit. Et là encore, il semble qu'il s'agisse d'une spécialité française, en comparaison avec les autres pays européens. 


Citation n°1 
"Aucun véhicule de police n'a accroché la moto." (Christophe R. du syndicat de police Alliance, Radio Montecarlo/RMC, 10.08.2009; 12 h).
Un jeune homme circulant sur une moto venait de se tuer lors d'une course-poursuite avec un véhicule de police. 

Citation n°2 :
Laurent Mucchielli, sociologue spécialiste des politiques de sécurité, pose un autre problème dans la perception de la violence. Il estime que l’image amplifie le ressenti de celle-ci : "L’impact de l’image aujourd’hui offre à tout le monde la possibilité de visionner des violences policières. Mais je ne pense pas que la police soit plus dure qu’en 1936 ou en 1968. Il y a juste une multiplication des contenus."
Le sociologue juge que la France n’est pas à blâmer pour sa violence: "En Europe, la France n’a certainement pas la police la plus violente quand on voit ce qu’il peut se passer en Ukraine ou dans les Balkans." (Source)

... "quand on voit ce qu'il peut se passer en Ukraine ou dans les Balkans...".

Autant dire hors de l'Union Européenne. Voilà qui a le mérite d'être clair, non !?




Lectures : 01 - 02 - 03 - 04 - 05 - 06 - 07 - 08 - 09

lundi 25 mars 2019

Gilets jaunes, colère noire et volée de bois vert #17


Épisode § 17. Une 'blackbloc' de... 73 ans ! 

Nota bene : le Gilet Jaune que l'on aperçoit à droite sur la première image va avoir les bras ballants tout au long de la séquence (= ne se mettra à aucun moment en position d'attaque/de boxeur). Tout au long de la séquence, des observateurs haranguent les "ninjas". Par ailleurs, il est impossible que ces derniers ne se sachent pas filmés par des téléphones portables.

La suite, sans commentaires.




















Petit supplément illustré





Lectures :  01  - 02 


dimanche 10 mars 2019

Gilets jaunes, colère noire et volée de bois vert #15


Épisode §15. La Marche Jaune
« Les gilets jaunes sont en train de nous rendre le service du siècle. » Monique Pinçon-Charlot
Le titre se veut un jeu de mots parti d'une hésitation. Au début, j'avais pensé à "Marque Jaune", mais le titre avait déjà servi : aucun féru de bandes dessinées n'ignore, en effet, qu'il s'agit là de l'un des plus énigmatiques épisodes des aventures de Black et Mortimer de feu Edgar P. Jacobs.


Du coup, étant donné le contexte (criminel) de l'enquête menée par Black et Mortimer, il m'a semblé mal venu d'associer ce funeste épisode aux pérégrinations du petit peuple en jaune venu déambuler tous les samedis sur les grands boulevards.

Mais s'il faut trouver une ressemblance entre les deux histoires, il faut probablement la rechercher dans la peur panique qui semble s'être emparée d'une certaine "intelligentsia" face à cette chose insaisissable, indéfinissable et apparemment incontrôlable sortie de nulle part, qui déboule depuis plus de trois mois sur les boulevards pour s'évaporer aussitôt, plongeant le Landerneau dans la plus grande déprime, à l'instar de la bonne population londonienne se calfeutrant chez elle de peur de tomber nez-à-nez sur la fantômatique silhouette toute de noir vêtue.

Les visiteurs réguliers de ce blog connaissent mon aversion pour le Landerneau politocratique français, dont ce pauvre Jean-Michel A. est un excellent spécimen : une sorte de marqueur, comme certains insectes (mouches) ou asticots apparaissant sur des scènes de crimes. Cela dit, la panique dans laquelle les G.J. ont mis nos politocrates et autres politicards a quand même quelque chose de jouissif et, rien que pour ça, il faut remercier nos "péripatéticien(ne)s" jaunes du samedi. (1)

Ainsi, donc, ce dernier samedi, 9 mars 2019, a eu lieu la dix-septième déambulation des Gilets Jaunes, et là, on a eu droit à ça :comme des interrogations angoissées du genre : ça va encore durer longtemps ? Ou encore : et si c'était la dernière manifestation ? Ou encore : serait-ce le chant du cygne du mouvement ? Autant dire la chronique d'une déconfiture annoncée.









Vous connaissez l'adage chinois ?

Quand le sage désigne la lune, l'imbécile regarde le doigt.

Et ce doigt que regardent les imbéciles, c'est le nombre de participants aux manifestations des Gilets Jaunes, tel que révélé par le ministère de l'Intérieur.

Tiens, par parenthèse, vous souvenez-vous du nombre de participants à la manifestation contre l'"antisémitisme" organisée tantôt (16 février 2019), Place de la République, à Paris ?
20.000 personnes, c'est le chiffre annoncé par les seuls organisateurs. Car, fort curieusement, aucun chiffre n'a été annoncé par le ministère de l'Intérieur, alors même que, s'agissant d'une manifestation statique sur une zone dont la superficie est connue, il aurait été fort aisé d'apprécier l'affluence sur la place. Toujours est-il que le ministère de la Police n'a toujours pas trouvé le temps de communiquer les bons chiffres, alors même que, pour les Gilets Jaunes, c'est quasiment minute par minute que le ministère fournit les chiffres de la participation.

Observons, par ailleurs, qu'aucun organe de presse ni analyste, politologue, politocrate... n'ont manifesté la moindre interrogation devant le silence-radio observé par le ministère de l'Intérieur au sujet de cette manifestation "anti-antisémite". De toutes parts, c'est motus et bouche cousue !

Toujours est-il que, pour l'acte XVII, le ministère a annoncé des chiffres aussitôt relayés par la presse officielle, enfin, je me comprends !
Ainsi, donc, nous avons des mots-clés, à moins qu'il ne s'agisse de ce que d'aucuns (je n'en fais pas partie et aucun linguiste digne de ce nom n'emploie cette expression !) appellent des "éléments de langage", à savoir dire et répéter sur tous les tons que "la mobilisation est en baisse", le tout, bien entendu, sur la base des seuls chiffres du ministère de l'Intérieur, et alors même qu'ici aussi, les organisateurs ont publié leurs propres estimations, et là, il a fallu creuser un tantinet pour dénicher un medium de moyenne importance disposé à publier aussi les chiffres des organisateurs ! 
Source

Ci-dessus, la seule source journalistique dénichée au bout d'un bon quart d'heure en ligne et mentionnant la participation à l'acte XVII, selon les organisateurs. 

Et pourtant, en cherchant un peu, on pouvait sans peine dénicher certaines choses intéressantes, comme ce qui suit :



... ou encore ce qui suit :



Source
On résume ?

Trois statistiques : 28.600, 90.469 (minimum) en fin de manifestation, et 160.000 à 15h45, le dernier chiffre émanant d'un site "policier" ! Autant dire que, parmi ces trois estimations, la première a des allures d'intruse ; la logique voudrait, donc, que l'on conserve les deux dernières. Et pourtant, la "grande" presse, je veux dire la presse officielle ou semi-gouvernementale, n'en démord pas...

Il y aurait peut-être une explication, du moins, à en croire le psychanalyste Gérard Miller.

Source
Cela dit, ne soyons pas médisants et contentons-nous de juger sur pièce.

Par parenthèse, j'inviterais volontiers les Gilets Jaunes manifestant à Paris dans les prochains jours à choisir pour destination finale la Place de la République, ce qui permettrait de comparer l'occupation de la place par 3000 manifestants (cf. le ministère de l'Intérieur au 9 mars 2019) et par 20.000 manifestants (cf. les organisateurs au 19 février 2019). Mon avis personnel est que si les "3000" personnes supposées avoir manifesté (soit au moins trois groupes distincts) à Paris l'autre samedi s'étaient rassemblées Place de la République, la foule aurait largement débordé dans les rues avoisinantes !

Le fait est que nous sommes un certain nombre à fréquenter des salles de concert et à pouvoir apprécier le temps mis par une foule à accéder à une salle ou en sortir, et le moins qu'on puisse en dire est que le chiffre de 3000 manifestants parisiens l'autre samedi, sur au moins trois sites distincts, est rien de moins que ridicule !

Quand le sage désigne la lune...

Mais il y a autre chose : car, même à supposer que la mobilisation soit en baisse, qui peut être assez sot ou stupide pour en déduire que la situation des retraités, des travailleurs précaires, des chômeurs, des associations privées de subventions suite à la baisse de l'ISF, des agriculteurs acculés au suicide, des policiers et gendarmes au bord du burn-out, des gardiens de prisons au bord de la crise de nerf... se serait améliorée par une opération du Saint-Esprit ?

Et quand bien même il n'y aurait qu'un millier de personnes à défiler dans toute la France, cela signifierait-il que les problèmes du pays se seraient résolus comme par magie ?

Quand le sage désigne la lune..., le politicien-politicard-politocrate regarde les sondages !
Source
Je conseillais, plus haut, aux Gilets Jaunes, de se diriger à l'avenir vers la Place de la République, de manière à faciliter la comparaison avec une jauge de 20.000 personnes comme annoncé par les organisateurs de la manifestation contre l'"antisémitisme" du 19 février 2019.

Et je m'en vais leur donner un autre conseil. Il se trouve que je connais un peu le quartier des Champs-Elysées, avec ces douze avenues débouchant sur la place de l'Etoile. Et pour avoir maintes fois sillonné le quartier, à pied, je dois dire qu'il faut avoir de bonnes jambes pour se taper toute l'avenue des Champs et plus, jusqu'au terminus d'une manif, des kilomètres plus loin. Et n'oublions pas que les Champs-Elysées sont pavés, et que marcher sur des pavés, ne serait-ce qu'une demi-heure, ça vous casse les jambes si vous n'avez pas la forme olympique !

Il faut dire qu'une chose est de déambuler, par exemple, à Strasbourg, Tours, Amiens... ou à travers n'importe quelle ville de province, entre le Tribunal et la gare SNCF, ce qui prend entre dix minutes et une petite demi-heure ; une autre est de partir d'un arrondissement de Paris pour atterrir dans un autre, trois ou quatre heures plus tard ! Le fait est que, lors des premières manifs, on voyait plein de cheveux gris voire blancs, beaucoup moins lors des dernières, et à cela, il y a une raison toute prosaïque : manifester n'est pas une sinécure ! Les grands syndicats sortent sur les boulevards lors d'occasions spéciales, comme le 1er Mai, soit une fois l'an, sauf circonstances particulières. Tandis qu'ici, les GJ se farcissent une grande déambulation par semaine, soit de quoi épuiser n'importe qui, à commencer par les sujets les plus âgés, les moins entraînés, les familles avec de jeunes enfants, les handicapés..., qui rentrent chez eux complètement lessivés et courbaturés et ne sont pas prêts de remettre ça la semaine d'après, ni la suivante ! 

Du coup, moi, j'opterais pour un itinéraire du type Place de l'Etoile-Avenue Foch plutôt que pour les Champs-Elysées. Avantages de Foch ? La distance de l'Arc de Triomphe à la Porte Dauphine se parcourt en bien moins de temps que les Champs. Par ailleurs, sur Foch, vous avez zéro magasin, zéro restaurant..., donc zéro nuisance pour les riverains, un samedi après-midi. Cerise sur le gâteau : dès la Porte Dauphine, on n'est plus qu'à quelques encablures du Bois de Boulogne, où l'air est bien plus pur que sur les Boulevards..., de quoi s'offrir un pique-nique bien sympa !  



(1) Qui s'effectue en déambulant et en échangeant des propos, des réflexions intellectuels. Ménard exposait ces vues à M. Marcelin Berthelot, au cours de longues promenades péripatéticiennes, sous les bois paisibles de Chaville et de Viroflay (BARRÈS, Voyage à Sparte, 1906, p. 11). Par référence au fait qu'Aristote enseignait en déambulant dans les allées du Lycée. (source)


Liens :  01  -  02  -  03  -  04  -  05 (plus intéressant qu'un prof de Sciences-Po !)  -  06


Petit supplément illustré : quand on sait un peu se servir d'un ordinateur, on doit être en mesure de contrefaire moult images, comme le fait de convertir une image plate en sa version "en relief" ou en "3D". Il faut dire que je ne désespère pas de persuader les héritiers d'Edgar P. Jacobs (que je cherche à joindre désespérément, outre le fait que l'éditeur belge est un neuneu !) de l'intérêt qu'il y aurait à convertir en 3D l'ensemble de l'oeuvre du maître, ce qui serait bien plus commode en travaillant sur les planches d'origine plutôt que sur des timbres-poste ! Wait and see...


Images en 3D. Lunettes rouge-cyan requises. Vous pouvez copier, mais les images sont en partie floutées !



vendredi 1 mars 2019

Gilets jaunes, colère noire et volée de bois vert #14


Épisode §14. L'essentiel et l'accessoire...

... ou de la structure vs. conjoncture



"Vous allez échouer, sauf si...".

Les Gilets Jaunes sont-ils partis pour échouer ?

À en croire nos politologues et politocrates, les cortèges des déambulations hebdomadaires rétrécissent, ce qui serait le signe du déclin progressif du mouvement ; par ailleurs, les sondages montrent une lente désaffection des Français pour le mouvement, en même temps qu'une progression de la popularité de l'exécutif... 

- Ah, les fameux sondages ! Mais que seraient nos politocrates sans les sondages ? 

Les visiteurs habituels de ce blog connaissent le peu de considération que m'inspirent ceux que l'on appelle des politologues, et que moi, j'appelle des politocrates, comme bureaucrates, auxquels il faut ajouter toute la camarilla des politiciens et autres politicards qui, s'ils étaient médecins ou pilotes de ligne, seraient responsables de bien des hécatombes dans les hôpitaux et de crashs aériens dans lesquels ils auraient toutes les chances de passer de vie à trépas !

Entre nous, quand on voit la fréquence avec laquelle ils se plantent et voient leurs programmes et prévisions échouer, combien de responsables politiques, de politiciens et politiciennes, voire de politologues et autres politocrates seraient encore en vie, s'ils avaient été pilotes professionnels dans l'aviation ?

Prenons la France : voilà des gens qui ont fait des études non pas inférieures, mais supérieures - et tout le monde sait ce que c'est que d'être passé par l'ENA, Sciences Po', Polytechnique, Normale Sup' et autres "grandes écoles" bien dans la tradition aristo-élitiste française - et qui s'avèrent incapables d'apprécier à sa juste mesure une insurrection comme celle des Gilets Jaunes, laquelle survient après plein d'autres insurrections que nos grands esprits n'ont jamais su anticiper ni accompagner, ce qui fait que ce pays passe son temps à réparer des installations dégradées, qu'il s'agisse du Grand Marché International de Rungis dévasté par des marins-pêcheurs, de telle ou telle préfecture ou de tel ou tel centre d'impôts attaqué(e) par des agriculteurs, de l'Arc de Triomphe parisien couvert de tags, de radars automatiques incendiés et rendus inutilisables, du prestigieux Parlement de Bretagne, à Rennes, détruit par des marins-pêcheurs eux-mêmes bretons, des ronds-points bloqués, des rues dépavées par les manifestants dans le Quartier Latin parisien, des portiques dédiés à la perception de l'éco-taxe et vandalisés par des "bonnets rouges"..., sans parler des ravages humains, avec tous ces policiers et gendarmes caillassés et devenant, par la force des choses, tabasseurs de manifestants (cf. Malik Oussekine) voire manieurs de tasers, flash-balls et autres Lanceurs de Balles de Défense (LBD) ou grenades de désencerclement (cf. Rémy Fraisse)..., la liste est longue, qui fait de la France la championne européenne des jacqueries et insurrections en tous genres. 

Florilège :






 
























Observons que, dans le florilège précédent, il n'y a pas la Corse, ni le pays basque...

Mais, parmi tous ces grands esprits que j'évoquais plus haut, personne pour faire le lien entre l'instauration - ou plutôt la restauration - du bonapartisme en France par De Gaulle et cette terrible impression que ce pays est difficilement gouvernable, comparé à tous ses voisins de l'Union Européenne qui, sans exception, ont fait le choix du strict parlementarisme.

Et pourtant, ces mêmes grands esprits vous affirment, mordicus, que ladite Vème République représente la quintessence même de l'organisation politique, dès lors que - contrairement à d'autres régimes - elle garantit au pays une stabilité qui n'existerait pas ailleurs. Et là, on vous ressort le sempiternel épouvantail de la Quatrième République, jugée ingouvernable car (trop) strictement parlementaire.

Et c'est sur la base de cette escroquerie intellectuelle que la France est gouvernée depuis soixante ans maintenant, nos politocrates confondant stabilité bureaucratique et stabilité sociale. Le fait est que la pseudo-stabilité institutionnelle française (comparée avec l'apparente instabilité de la Belgique ou de l'Italie) est un leurre dissimulant une énorme instabilité sociale dont on voit bien que l'actuel et fort imprudent "Jupiter" français a fort peu de chances de sortir indemne ! 

Car, si le parlementarisme était systématiquement générateur d'instabilité, qu'on nous explique pourquoi tant de pays, au sortir de la monarchie absolue ou de la dictature, ont délibérément renoncé au modèle autocratique cher à De Gaulle et aux dictateurs africains, asiatiques ou sudaméricains.

C'est ainsi que l'Allemagne post-hitlérienne renoue avec la bonne vieille et parfois décriée République de Weimar, de même que l'Espagne, la Grèce, l'Italie et le Portugal sortent de la dictature pour instaurer/restaurer le parlementarisme [la majorité parlementaire désigne le chef de l'exécutif], à l'instar des ex-satellites de l'URSS que sont Roumanie,  Pays Baltes, Hongrie, Bulgarie, États ex-tchécoslovaques et ex-yougoslaves.

Revenons en France : il suffit, souvent, d'observer ce pays depuis l'étranger - ce que j'ai fait, des années durant, depuis l'Allemagne ou l'Autriche - pour sentir à quel point l'escroquerie de la soi-disant stabilité politique a la peau dure.

Il se trouve que j'étais en Allemagne, pour y apprendre la langue de Goethe, Hölderlin et Schiller, lors de l'avènement de François Mitterrand comme président de la République française. Mitterrand est élu en mai 1981 ; Helmut Kohl devient chancelier allemand en octobre 1982.

Et, depuis l'Allemagne, vous apprenez qu'en France, les  cheminots ou les contrôleurs aériens sont en grève, ou alors les enseignants, ou encore que les viticulteurs arraisonnent des camions-citernes transportant du vin italien ou espagnol qu'ils vont déverser dans le caniveau, à moins qu'il ne s'agisse d'une jacquerie initiée par des marins-pêcheurs, ou peut-être des infirmières, des lycéens, étudiants, gardiens de prison, la télévision ou la radio publique, mais peut-être a-t-on plutôt affaire à des manifestations de chauffeurs routiers, de producteurs de lait, d'éleveurs de porcs, de volaillers, de chauffeurs de taxi, de chasseurs, d'organisations familiales catholiques opposées aux projets du ministre de l'Éducation nationale, etc.

Et, pendant que les Français se farcissaient grèves et jacqueries populaires, en Allemagne, Autriche..., c'était zéro virgule zéro zéro zéro arrêt de travail, zéro manifestation violente, zéro déploiement de policiers ou de gendarmes casqués censés canaliser une foule en colère, etc. Il est vrai que l'Allemagne avait été secouée par la mouvance R.A.F. de Baader et Meinhof, tandis que l'Italie avait droit à ses Brigades Rouges, l'Espagne à l'E.T.A., sans oublier l'activisme militariste de l'I.R.A. au Royaume-Uni. Mais la France a eu également sa dose en la matière avec Action Directe ! 

Prenez la stabilité gouvernementale : je rappelais que Mitterrand et Kohl sont arrivés aux affaires à une année et demie d'intervalle. Mitterrand va cumuler deux septennats à l'Elysée, contre seize années de ministère Kohl. Et c'est ici que j'invite quiconque à faire le décompte des premiers ministres s'étant succédé en France durant les deux septennats de Mitterrand, sachant que, dans le même laps de temps, l'Allemagne n'aura connu qu'un seul et unique chancelier !

Mieux : depuis 1982, l'Allemagne a connu trois chanceliers (Kohl, Schroeder, Merkel) quand, dans le même temps, la France s'offrait combien de premiers ministres, entre Pierre Mauroy (1981) et Edouard Phlippe (2019) ? Que les politocrates et autres profs à Science Po' fassent le décompte et cessent de nous bassiner avec cette pseudo-stabilité des institutions de la Cinquième République ! 

Pour mémoire : vingt-sept équipes gouvernementales entre Mitterrand (1981) et Macron (2019). (Source)

Une pure escroquerie intellectuelle que cette République dite Cinquième, dès lors que, dans la réalité, elle prend fin avec la réforme constitutionnelle de 1962 ! Ce qui veut dire que ce pauvre Mélenchon n'a rien compris, qui nous pompe avec sa Sixième République, alors même que nous y sommes entrés de jure en 1962, et de facto en 1965, le reste n'étant que "foutage de gueule" de la part d'une oligarchie cynique et complètement déconnectée des réalités !

Mais je sais que quelques pseudo-experts vont me rétorquer :
- Mais, monsieur, votre "de jure" est excessif, voire superfétatoire, dès lors que la Sixième République n'a jamais été instaurée ni en 1962, ni en 1965 !
J'entends bien l'objection, que je trouve plutôt faiblarde, dans la mesure où il est évident que, dans n'importe quelle démocratie authentique, les changements intervenus en 1962 auraient conduit à un changement de matricule de la Constitution. Sauf qu'en France, en 1962, on a une équipe de larbins (cf. Michel Debré), toute à la dévotion du "grand" général de brigade, admirateur de Franco et de Perón, et dont les souhaits non avoués devaient être dissimulés à un peuple français assimilé à des veaux ! Pour mémoire, l'annonce par De Gaulle de la réforme constitutionnelle à venir intervient quelques semaines à peine après l'attentat dit du Petit Clamart...  

De fait, le propre des autocrates est de toujours avancer masqués, pour mettre bas les masques dès que l'occasion se présente. Voyez le Turc Erdogan, prenant prétexte - ben voyons ! - d'un présumé coup d'État militaire visant sa personne pour s'attribuer l'essentiel des pouvoirs, moyennant un tripatouillage constitutionnel que n'aurait pas renié son mentor,  Charles de Gaulle, lequel, au hasard d'une conférence de presse, feignait l'indignation en lançant à la cantonade : 
- Mais pourquoi voulez-vous qu'à soixante-sept ans je commence une carrière de dictateur ? (Source)

Et c'est là qu'on aurait pu lui rétorquer : 
- Mais tout simplement parce que les chiens ne font pas de chats ! Pouvez-vous nous citer un seul régime politique démocratique initié par un militaire ?

Ce qu'il y a de particulièrement intéressant avec le mouvement des Gilets Jaunes, c'est probablement le fait que, contrairement à mes soupçons du début ("encore une jacquerie désordonnée qui va finir en eau de boudin comme toutes celles qui l'ont précédée"...), ce mouvement a très rapidement appris à décanter ses revendications, ce qui fait que, contrairement à ce que prétextent nos politocrates, selon lesquels le mouvement part dans tous les sens, au point qu'on n'arrive plus à identifier ses réelles intentions, quiconque détient un minimum de jugeote et de culture générale voit bien que les revendications du mouvement ont été très rapidement hiérarchisées entre exigences d'ordre structurel (cf. la démocratie "directe") et revendications d'ordre conjoncturel (pouvoir d'achat, taxes...).

Et, pour s'en convaincre, il suffit d'observer les pancartes et banderoles et les principaux slogans qui y sont inscrits : il s'agit bien d'aller à l'essentiel en ciblant le(s) princip(al)(aux) symbole(s) de l'autocratie.









Par voie de conséquence, ceux qui nous disent que le discours des Gilets Jaunes est désormais illisible, voire inintelligible, sont soit des crétins, soit des escrocs, voire les deux. 


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Petit supplément 01 : quand je vous dis que les politocrates ne sont rien d'autre que de vulgaires commentateurs de sondages, voici le genre de choses qu'un "directeur de recherches au CNRS" est capable de pondre :
Les « gilets jaunes » tentent aujourd’hui de se structurer, deux mois et demi après leur première journée de mobilisation, le 17 novembre 2018. Le défi est de taille vu la singularité du mouvement, hétéroclite, non partisan et qui rejette le système représentatif. Olivier Costa, directeur de recherches au CNRS, estime que les « gilets jaunes », inexpérimentés en matière politique, sont aujourd’hui « confrontés au principe de réalité et découvrent toute la difficulté à mener une action publique ».
Les « gilets jaunes » tentent depuis quelques semaines de se structurer, tout en rejetant le système représentatif. Peuvent-ils résoudre cette équation ?
Olivier Costa : La mobilisation des « gilets jaunes » est nourrie par le rejet des partis et de la classe politique et aspire à une autre forme de démocratie, plus participative. Mais pour faire exister un mouvement de cette ampleur et lui permettre d’influer sur la vie publique, une structuration est inévitable, et exige de répondre à des questions incontournables : qui dirige, comment les leaders sont contrôlés, quelle ligne politique est retenue, etc. Les « gilets jaunes », pas ou peu politisés, sont aujourd’hui confrontés à ce principe de réalité, et découvrent toute la difficulté à mener une action publique. Ils retombent sur les problématiques des organisations et partis politiques classiques, qui sont précisément le point de départ de la contestation. C’est la quadrature du cercle.
La difficulté à se structurer ne tient-elle pas aussi à l’hétérogénéité du mouvement et de ses revendications ?
Oui. Le mouvement a mobilisé des gens de tous horizons, de gauche comme de droite, avec des thématiques communes dénonçant l’abandon des territoires, la corruption des élites et le pouvoir d’achat insuffisant. Mais les solutions proposées, elles, partent dans tous les sens, et on voit mal une ligne politique se dégager. (source)
Entre nous, vous n'êtes pas mort(s) de rire ? Par parenthèse, en ce moment-même, un autre grand politocrate et expert dans le commentaire de sondages (Olivier Duhamel) est en train d'animer une émission de radio (Europe 1), et - après avoir annoncé la fin prochaine du mouvement des G.J. - il vient de poser à ses invités cette question essentielle : "Aux élections européennes, qui de Macron ou de Le Pen va arriver en tête ?" (Samedi 2 mars, 10h36). Voilà qui vous donne une idée du niveau d'une certaine "élite" française ! Mais bon, si vous connaissez Michel et Monique Pinçon-Charlot (lien), alors vous savez qu'il existe des gens autrement plus intéressants et plus performants que les profs de Science Po' !


Petit supplément (illustré) 02 :