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mercredi 9 mars 2022

Ursula von der Leyen et la Commission Européenne. Censure de RT et de Sputnik. Les vraies raisons §2

N.B. Vous n'avez toujours pas de VPN sur votre ordinateur ? Parce que vous ne savez pas ce que c'est qu'un VPN ?
 
Ce qui suit a été téléchargé sur un ordinateur virtuellement localisé à... Paris ! C'est vous dire si la censure de la dame de la Commission Européenne, qui voudrait nous ramener aux temps de Josef Goebbels, ne sert absolument à rien !
 
Lu sur le site de RT-France (8 mars 2022)

Le média Nextinpact a révélé le contenu d'un courrier adressé aux moteurs et aux réseaux sociaux afin de s'assurer de la disparition effective de tout contenu de RT et de Sputnik. La Commission y assume une surveillance généralisée des informations. 

«Un éboulement vertigineux du cadre jusqu'alors en vigueur» : c'est ainsi que le journaliste Marc Rees a qualifié les directives adressées par la Commission européenne aux gestionnaires des moteurs de recherche et des réseaux sociaux, dans un article du média en ligne NextInpact dévoilant un courrier qui leur a été envoyé le 4 mars, le lendemain de la coupure de l'accès au site de RT France par les principaux fournisseurs d'accès internet de l'Hexagone. 

Dans le contexte de l’intervention militaire russe en Ukraine, la Commission avait invoqué la nécessité de couper tous les canaux de diffusion de «la machine médiatique du Kremlin» représentée selon elle par RT et Sputnik, et publié un règlement pour donner un fondement juridique à son entreprise. Selon Nextinpact, «elle a adossé à cette demande une lettre aussi bien aux moteurs qu’aux réseaux sociaux, dont le contenu témoigne de la volonté d'une purge numérique globale». 

Une décision «inédite dans  le droit des nouvelles technologies» 

«Le législateur a l'intention d'établir une interdiction très large et complète» écrit l’instance bruxelloise dans ce courrier adressé notamment à Google, précisant que «les services de recherche sur Internet sont fournis par des "opérateurs" au sens du règlement». Ayant exigé l’effacement de rt.com et sputniknews.com des résultats des recherches sur internet, la Commission a rappelé dans ce courrier que « l'activité des moteurs de recherche joue un rôle déterminant dans la diffusion d'un contenu en ce qu'ils rendent celui-ci accessible à tous les internautes effectuant une recherche […] y compris à ceux qui, autrement, n'auraient pas trouvé la page Web sur laquelle ce contenu est publié ». 

Par conséquent, «si les moteurs de recherche, tel que Google, ne suppriment pas RT et Sputnik, ils faciliteraient l'accès du public à leurs contenus ou contribueraient à cet accès». Ce qui a amené à la Commission à conclure qu'«en vertu du règlement, les fournisseurs de services de recherche sur Internet doivent s'assurer que 1) tout lien vers les sites Internet de RT et de Sputnik et 2) tout contenu de RT et Sputnik, y compris les courtes descriptions textuelles, les éléments visuels et des liens vers les sites Web correspondants, n'apparaissent pas dans les résultats de recherche fournis aux utilisateurs situés dans l'UE ». 

Comme l'explique Nextinpact, l'institution exige, par cette méthode, non pas seulement la désindexation des deux sites, mais également celle de tous les liens qui mènent à leurs contenus. Une décision que le média qualifie d'«inédite dans le droit des nouvelles technologies». 

Nettoyage à la javel 

D'autant plus que l'ambition des autorités européennes ne s'arrête pas là : la lettre indique aux réseaux sociaux qu'ils doivent également prendre leur part à ce «nettoyage à la javel», comme le qualifie NextInpact, en devant «empêcher les utilisateurs de diffuser [...] tout contenu de RT et Spoutnik». Et ce, peu importe que le compte en cause soit ou non rattaché à RT et Spoutnik.  

Les demandes de la Commission sont d’autant plus vastes, relève le média en ligne, que l'institution réclame l’interdiction des messages reproduisant un contenu venant des deux médias financés par la Russie. «Ces messages ne seront pas publiés et s’ils le sont, ils doivent être supprimés», détaille le courrier.

Une surveillance généralisée assumée par la Commission

Autre point marquant, le contournement de l’article 15 de la directive sur le e-commerce, datant de 2000, article qui prohibe de faire peser sur des intermédiaires comme YouTube, Facebook ou Twitter une obligation de surveillance généralisée. Or, les consignes de la Commission aboutissent justement à forcer ces intermédiaires à une surveillance de tous les flux d'information. Une entorse au droit qui serait justifiée par le caractère temporaire des mesures : «La décision de s'écarter totalement, dans le présent règlement, de la directive sur le commerce électronique a été consciente et justifiée par la situation et son caractère temporaire», argue la Commission.

L'empilement de ces différentes mesures aboutit à un édifice de contrôle assez inquiétant, selon Nextinpact, puisqu'un premier texte avait déjà été adopté en réponse au rattachement de la Crimée à la Russie en juillet 2014. L’article 12 de ce dispositif, qui «interdit de participer sciemment et volontairement à des activités ayant pour objet ou pour effet de contourner les interdictions énoncées». Et, même si la liberté d'expression implique un droit, pour les médias, à  «rendre compte objectivement de l'actualité», tout comme un droit pour les utilisateurs, à «recevoir des informations objectives sur l'actualité», la Commission avance que ce droit ne peut être utilisé «pour contourner le règlement». Par conséquent, déduit-elle, «si un autre média prétend informer ses lecteurs ou spectateurs, mais en réalité diffuse le contenu de Russia Today ou Sputnik […], il enfreindra l'interdiction énoncée dans le règlement». 

NextInpact conclut en alertant sur le fait que« la surveillance exigée des réseaux sociaux s’étend donc aux contenus des deux sociétés financées par Moscou, même quand ils sont diffusés par d’autres médias, non visés nommément par cette prohibition numérique».

Désormais, « les intermédiaires techniques sont obligés de nettoyer les contenus RT/Sputnik, peu importe la source», a constaté Marc Rees, s'étonnant sur Twitter du «silence total» suscité par ce basculement juridique considérable.
 

Source : https://francais.rt.com/international/96925-purge-numerique-globale-courrier-bannissement-rt-commission-europeenne-devoile

Par parenthèse, vous n'êtes pas estomaqués par cette attaque sur un hôpital de Marioupol (9 mars 2022) en Ukraine ? Un bombardement de grande ampleur n'ayant fait que... 17 blessés selon les premiers décomptes, ce qui ne fait vraiment pas beaucoup ! Je suis de ceux qui ont flairé l'embrouille. Jugez-en vous-mêmes à partir des images. (Source)

(https://twitter.com/RevelateursFTV/status/1501574503335354375) 

Autre son de cloche : source

 

samedi 21 décembre 2019

Sahel africain : en finir avec l'occupation néo-coloniale !


Quelques semaines passées hors de France. Comme j’adore voyager à l'ancienne, en indécrottable routard, mon téléphone portable n'était pas connecté ; du coup, il m'a servi uniquement pour lire l'heure. J'avais quand même un téléviseur dans la chambre d'hôtel, qui n'affichait que des chaînes italiennes. Et puis, je n'étais pas venu en Italie pour me soucier de la France ! Par parenthèse - mais on y reviendra - celui ou celle qui vous dit que Paris, c'est la ville lumière, n'a jamais mis les pieds à Rome !

Paris, ville lumière ? Cette bonne blague !

Mais je vous ai dit qu'on en (re)parlerait ailleurs...

Sur les chaînes de télévision italiennes, j'ai eu le temps de capter deux informations : quelque part, au Mali, un accident d'hélicoptères avait coûté la vie à une douzaine de militaires français. Quelques jours plus tard, une base militaire était attaquée au Niger, coûtant la vie à soixante et onze militaires locaux : des militaires censés protéger les populations locales, mais incapables de se protéger eux-mêmes, le tout en bénéficiant de l'assistance technique de généraux français, qui ont dû sécher les cours de stratégie à Saint-Cyr !




S'il fallait une preuve de l'inutilité, voire de la nocivité de l'intervention militaire des Occidentaux en Afrique, ces deux derniers évènements viennent nous en fournir une démonstration on ne peut plus percutante !

Ces derniers mois, on a vu la Chine, l'Inde, le Japon organiser des forums avec les milieux d'affaires et politiques africains, jusqu'à la Russie tout dernièrement.
Nous sommes capables, au minimum, de doubler nos échanges commerciaux au cours des cinq prochaines années”. D’entrée, mercredi 23 octobre au matin, le président russe a donné le ton. Comme prévu, le premier sommet Russie-Afrique à Sotchi est destiné à montrer au reste du monde, Chine et Union européenne en tête, qu’il va falloir compter sur Moscou sur le continent africain. Après un et un retour très progressif, pour ne pas dire lent, les Russes espèrent aujourd’hui combler leur retard. (Source)
Entre nous, on parie combien que pas mal des armes utilisées par ces pseudo-jihadistes sortis de nulle part, en clair, pilotés depuis l'étranger, sont de fabrication occidentale voire ont été fournies à ces mercenaires par les pays occidentaux - qui prétendent les combattre aujourd'hui -, notamment lors de l'agression néo-coloniale organisée par la mafia internationale baptisée OTAN en Libye, en 2011 ? (Lisez les archives de ce blog datant de cette même année !)

Au moment même où la Chine construit des lignes de chemins de fer, où le Japon et l'Inde élaborent des projets de développement sur le continent, où la Russie est en train de remettre de l'ordre en Centrafrique, là même où la France a lamentablement failli, au même moment, dis-je, la France joue à la guerre en Afrique, dans l'exercice bien connu du pompier pyromane, et avec l'(in)efficacité qu'on sait !

Du coup, on se dit qu'il serait temps que les populations africaines, consultées par la voie du referendum, se prononcent sur la présence de toutes ces bases militaires étrangères censées protéger les populations, alors que, dans les faits, elles ne visent à rien d'autre qu'à soutenir des dictateurs et à pérenniser une occupation néo-coloniale qui n'a plus aucune raison d'être, les occupants ayant fait la démonstration de leur incommensurable incompétence.

La guerre, encore la guerre, toujours la guerre. Il va pourtant bien falloir que les Occidentaux, en général, et la France, en particulier, réalisent qu'en Afrique, ils ont définitivement mangé leur pain blanc !


Liens : 01 - 02 - 03 - 04 - 05 - 06 - 07 - 08 - 09

jeudi 17 octobre 2019

Sémantique de la désinformation #18


Épisode §18. Un "tweet" !


Et dire que Jean Anouilh a échappé à une convocation par la Kommandantur. Tandis que Dieudonné...

Citation :
Actuellement on se contente d’excommunier les représentants des monarques : ce n’est pas les ambassadeurs que je veux dire, mais les comédiens, qui sont rois et empereurs trois ou quatre fois par semaine, et qui gouvernent l’univers pour gagner leur vie. (...) Je ne connais guère que leur profession et celle des sorciers à qui on fasse aujourd’hui cet honneur. Mais comme il n’y a plus de sorciers depuis environ soixante à quatre-vingts ans, que la bonne philosophie a été connue des hommes, il ne reste plus pour victimes qu’Alexandre, César, Athalie, Polyeucte, Andromaque, Brutus, Zaïre, et Arlequin. (...) La grande raison qu’on en apporte, c’est que ces messieurs et ces dames représentent des passions. Mais, si la peinture du cœur humain mérite une si horrible flétrissure, on devrait donc user d’une plus grande rigueur avec les peintres et les statuaires. Il y a beaucoup de tableaux licencieux qu’on vend publiquement, au lieu qu’on ne représente pas un seul poème dramatique qui ne soit dans la plus exacte bienséance. La Vénus du Titien et celle du Corrége sont toutes nues, et sont dangereuses en tout temps pour notre jeunesse modeste ; mais les comédiens ne récitent les vers admirables de Cinna que pendant environ deux heures, et avec l’approbation du magistrat, sous l’autorité royale. Pourquoi donc ces personnages vivants sur le théâtre sont-ils plus condamnés que ces comédiens muets sur la toile ? Ut mictura poesis erit. Qu’auraient dit les Sophocle et les Euripide, s’ils avaient pu prévoir qu’un peuple qui n’a cessé d’être barbare qu’en les imitant imprimerait un jour cette tache au théâtre, qui reçut de leur temps une si haute gloire ? (Voltaire)

Vous ai-je déjà avoué détester lesdits "réseaux sociaux" ? "J'ai mal digéré un sandwich, vite, un tweet ! Il pleut des cordes devant ma fenêtre ? Vite un message, que les "followers" vont s'empresser de 'liker' ! J'ai croisé dans la rue une personne habillée bizarrement ; rendez-vous compte, elle portait un foulard  ! Vite, un tweet, pour susciter l'indignation en cascade des "followers" !" Le tout en cent quarante, pardon ! on est passé à deux cent quatre-vingts signes !

Voici venu le temps des idéologues à la pensée étriquée, rabougrie, rapetissée, façon Jivaros, le temps des exhibitionnistes en tous genres, des Tartuffes narcissiques de tous acabits ! Signe des temps, n'est-il pas ? Il faut dire que le "selfie" (de 'self' : soi-même) est passé par-là !

Moi qui suis un adepte des "longs papiers", soit de plus de 6000 signes, en général, je m'amuse depuis peu à expérimenter la pensée en 280 caractères, puisque je me suis inscrit sur le portail Tw..., bien moins chiant, il faut bien le dire, que Face-machin ou que Insta-truc, le tout dans le but de contacter certaines personnes, la règle vous imposant de créer un compte si vous voulez participer à une discussion ou envoyer un message à quelqu'un...

Donc, je me suis mis à envoyer des tweets par-ci, par-là, pas tous les jours, je vous rassure ! Le dernier en date ? Le voici, destiné à Mme Belloubet, Ministre (française) de la Justice.

Vous avez compris qu'il y était question d'un procès survenu récemment, intenté au seul comédien au monde (hors territoire taliban ou islamiste) à être régulièrement inquiété pour propos tenus sur la scène d'un théâtre, j'ai nommé Dieudonné.

Le message affiché ci-dessus était suivi de l'adresse numérique d'un texte important que l'on doit à feu Henri Meschonnic, alors professeur à l'Université Paris VIII et traducteur de la Bible.  Compte tenu des aléas toujours envisageables sur l'affichage de documents en ligne, le texte en question pouvant disparaître à tout moment, au gré des humeurs de son éditeur, j'ai choisi de l'afficher ici même, in extenso.

Pour en finir avec le mot "Shoah", par Henri Meschonnic (Le Monde, 19 février 2005)
"Comme tout ce qui touche au langage touche à l'éthique d'une société, donc à sa politique, je proposerais, pour qu'au moins une fois on l'entende, qu'on laisse le mot "Shoah" aux poubelles de l'histoire".
Jacques Sebag a rassemblé (Le Monde du 27 janvier) presque toutes les raisons de rejeter le terme "Holocauste" pour désigner l'extermination des juifs par le nazisme et par Vichy : puisque le mot désigne un sacrifice offert à Dieu, où, au lieu de manger la bête sacrifiée, on la brûle en entier, c'est-à-dire qu'on l'offre en entier à la divinité.
D'où le scandale d'user de cette appellation pour dire une extermination voulue par une idéologie sans rapport avec le divin. Appellation qui constitue un "contresens majeur", comme disait Jacques Sebag, mais nullement une "flagrante maladresse de langage". C'est bien plus grave. D'autant que le mot s'est installé, comme il le rappelle, aux Etats-Unis, conforté par la diffusion du film américain du même nom.
Pour condamner "Holocauste", il faut ajouter que non seulement le terme implique une théologie qui justifie le meurtre de masse en le présentant comme une dévotion et un sacrifice en paiement des péchés, ce qui en fait une punition divine - sacrilège maximal au nom du religieux -, mais c'est aussi parce que c'est un terme grec, qui vient de la traduction des Septante, texte de base du christianisme, une christianisation, une archéologisation.
Le consensus s'est déplacé, en français, sur le mot "Shoah", lui aussi porté par un film à succès, celui de Claude Lanzmann. Mais autant Jacques Sebag rassemble avec énergie l'argumentation "pour en finir avec le mot Holocauste", autant il semble, comme tout le monde, accepter le mot "Shoah" et même le justifier : "Shoah dit la judéité de la victime et souligne, à juste titre, sa spécificité religieuse et culturelle."
Or, là aussi, il y a de l'intolérable, et il faut le faire entendre, d'autant plus qu'on ne l'entend pas. Les références mêmes à l'hébreu, avec l'apparence du savoir, inversent toute la réalité historique du mot, et aggravent un contresens généralisé qui ne semble gêner personne.
Ce qui accroît le scandale. Car le mot "Shoah" n'a pas du tout, en hébreu, de "connotation religieuse", et il ne désigne pas "également" un cataclysme et il ne renvoie pas "aussi à l'idée de "catastrophe naturelle"". Le mot n'a rien à voir avec le massacre, il n'introduit pas non plus du "providentiel".
Le scandale, que la médiatisation du mot rend inaudible, est que c'est un mot qui, dans la Bible où il se rencontre treize fois, désigne une tempête, un orage et les ravages - deux fois dans Job - laissés par la tempête dévastatrice. Un phénomène naturel, simplement.

Il y a d'autres mots, dans la Bible, pour désigner une catastrophe causée par les hommes. Le scandale est d'abord d'employer un mot qui désigne un phénomène de la nature pour dire une barbarie tout humaine.
L'hébreu dit, par exemple, "hurban". C'est le mot qu'emploie Manès Sperber dans Etre Juif (Odile Jacob, 1994). Je ne connais que trois auteurs qui emploient ce terme : Manès Sperber, Elias Canetti et Daniel Lindenberg, dans Figures d'Israël (Hachette, 1997), qui note que "hurb (a) n", en hébreu, égale "destruction, ruine (forme yiddish : hurbn)". Terme qui serait "peut-être plus approprié pour désigner le génocide nazi des juifs, entre 1941 et 1945".
Le consensus s'est collé sur le mot "Shoah". Ecrit à l'anglaise. Et ce mot est une pollution de l'esprit. Pour plusieurs raisons, qui tiennent à ses effets pervers.
Il n'y a pas à céder, un peu vite et lâchement, à l'argument qui mettrait le rappel du sens biblique de ce mot au compte d'un souci déplacé pour une archéologie du langage. Il est vrai que l'histoire ne cesse de montrer que des mots prennent des sens nouveaux, perdent des sens anciens.
Mais il n'est pas anodin d'avoir pris, pour nommer une horreur toute ciblée, un mot d'hébreu biblique. Il y a là d'abord une insensibilité au langage qui juge ceux qui l'acceptent et s'y associent sans même le savoir, sans chercher à le savoir.
Ici intervient un autre aspect du scandale de ce mot, c'est qu'il est présenté comme le "nom définitif" de l'innommable. Tout se passe comme si Claude Lanzmann, l'auteur du film Shoah, identifiait son film à la nomination de l'innommable même, ayant choisi ce nom hébreu, de son propre aveu, parce qu'il ne connaît pas l'hébreu (Libération du 24 janvier) : "J'ai choisi ce nom parce que je ne comprenais pas ce qu'il voulait dire". Où se mêlent l'idée de "destruction" et "aussi bien - celle d' - une catastrophe naturelle". D'où est privilégié l'"opaque", renforçant ainsi l'identification entre l'innommable au sens d'une horreur que le langage ne peut pas dire, et l'effet de nom "éponyme", "acte radical de nomination", qu'il s'approprie : "L'auteur de la Shoah, c'est Hitler. Lanzmann, c'est l'auteur de Shoah."
Les nazis avaient des raisons qui étaient propres à leur tactique pour recourir à une terminologie de masquage qui était en même temps explicite : "solution finale", "évacuation" (pour déportation). Il n'y avait là rien d'innommable ou d'indicible. Tout était parfaitement nommé. Les états d'âme concernant la désignation sont apparus en 1944-1945, en même temps que le tabou qui rendait inaudibles les récits des témoins et survivants.
L'invention du terme "génocide" est assez vite devenue matière à problème, celui d'une spécificité-unicité. Revendiquée par les uns, refusée par les autres, étant donné la multiplication des massacres de masse : génocides arménien, cambodgien, rwandais... Ce que récemment l'apparition du terme "judéocide" tend peut-être à conjurer.
Car il y a bien, chaque fois, une spécificité, une unicité. La spécificité juive tient à tout un héritage d'enseignement non du "mépris", comme disait Jules Isaac, mais de la haine. Un héritage théologico-politique qui s'est biologisé, radicalisé, selon une rhétorique remarquable d'inversion : la haine contre ce que Hegel appelait la religion de la haine, opposée à la religion de l'amour - le christianisme. Même rhétorique de l'inversion, et je la mentionne parce qu'elle est essentielle, dans l'utilisation des Protocoles des Sages de Sion : une réelle volonté de destruction de ceux à qui on impute cette volonté de destruction. C'est la continuité de l'antijudaïsme chrétien à l'antisémitisme du XIXe siècle, qui aboutit à une radicalisation d'hygiène populiste avec Hitler et Vichy. Parfaitement nommée "solution finale".
Au passage, puisqu'on en est aux commémorations, je propose qu'on organise un centenaire des Protocoles des Sages de Sion : 1905. Ce serait une occasion unique à saisir pour montrer à tous la bête immonde et son utilisation par une autre rhétorique d'inversion, tout actuelle, la même et pas la même. Sans oublier que ce sont les Arabes chrétiens qui, vers 1920, ont traduit en arabe cette Bible du tuez-le-juif.
Là-dessus, deux problèmes. L'un est que le choix d'un mot hébreu pour désigner la "solution finale", liée à des siècles de haine, fait dire dans la langue emblématique des victimes un acte entièrement imputable aux hygiénistes de la race. Ce n'était pas la langue de ceux qu'on a massacrés. L'hébreu leur était une langue liturgique. Sans parler des enfants, dont beaucoup ne parlaient pas encore, mais Drieu La Rochelle avait dit de ne pas oublier "les petits". Nommer cet acte en allemand, Endlösung, serait aussi faire offense à ceux qui ont les premiers rempli les camps, et la langue allemande n'y est pour rien.
L'autre problème, dans ce mot empoisonné, c'est une victimisation tout aussi totalitaire que le massacre : ce qu'Ami Bouganim appelle le "traumatisme de la Shoah", dans Le Juif égaré (Desclée de Brouwer, 1990). On retrouve l'interdit énoncé par Adorno en 1949, qu'il serait barbare et impossible d'écrire des poèmes après Auschwitz.
Ainsi "Shoah" condense un "culte du souvenir" qui s'est mis à dévorer ce qui reste de vivant chez les survivants. Le procès apparemment fait à un mot porte sur tout ce qui porte ce mot, comme dit Yeshayahu Leibowitz : "La grande erreur d'aujourd'hui consiste à faire de la Shoah la question centrale à propos de tout ce qui concerne le peuple juif", et la Shoah est devenue ainsi pour certains "le substitut du judaïsme" (dans Israël et judaïsme, Desclée de Brouwer, 1996).
Le mot ramasse ce qu'on a appelé "la question juive". Qui est tout sauf juive. Une fois de plus, comme écrivait Hegel, les juifs n'ont pas d'histoire, n'ayant que celle de leur martyre. Alors, pour lutter contre les rhétoriques d'inversion et de dénégation liées à la victimisation, qu'énonçait déjà Rudolf Hoess, le chef du camp d'Auschwitz, dans ses Mémoires, quand il disait que, de cette extermination (inachevée), ce seraient encore les juifs qui tireraient le plus de profit, et comme tout ce qui touche au langage touche à l'éthique d'une société, donc à sa politique, je proposerais, pour qu'au moins une fois on l'entende, qu'on laisse le mot "Shoah" aux poubelles de l'histoire.
Raul Hilberg ne s'en embarrassait pas, dans son livre La Destruction des juifs d'Europe. Et lui ne voulait pas du terme d'"extermination". Il y a eu, et il y a encore, une purulence humaine qui a voulu et qui veut la mort des juifs. Il n'y a pas besoin d'un mot hébreu pour le dire. On peut le dire dans toutes les langues avec des mots qui disent ce qu'ils veulent dire, et dont chacun connaît le sens.
Le mot "Shoah", avec sa majuscule qui l'essentialise, contient et maintient l'accomplissement du théologico-politique, la solution finale du "peuple déicide" pour être le vrai peuple élu. Il serait plus sain pour le langage que ce mot ne soit plus un jour que le titre d'un film.

Henri Meschonnic est traducteur de la Bible, professeur émérite à l'université Paris-VIII. (Source)


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jeudi 2 mai 2019

Gilets jaunes, colère noire et volée de bois vert #22


Épisode §22. Pourquoi le RIC est inéluctable !

On prête à François Mitterrand cet oracle : "Après moi, il n'y aura plus que des comptables !".

À votre avis, que sous-entendait Mitterrand sous le vocable "comptable" ?

On pense à "technocrate", sans vision politique, mais avec du bagout, dans le genre de celui ou celle qui vous aligne des chiffres et des statistiques, histoire d'épater son auditoire. Le problème est que les chiffres, à eux seuls, ça ne fait pas une politique, sinon comment expliquer le crash de Lionel Jospin au premier tour de la présidentielle de 2002, alors même que, cinq années durant, le premier ministre socialiste avait aligné les bonnes statistiques et tous les voyants dans le vert, sans oublier les bons sondages ?

Et puis arrive le premier tour de la présidentielle, qui voit le comptable Jospin échouer à la troisième place, derrière Jean-Marie Le Pen.

Je suis à peu près certain qu'à ce jour, Jospin ne s'en est toujours pas remis de cette débâcle, sans pouvoir se l'expliquer vraiment autrement que par la ficelle un peu grosse du "c'est la faute d'Untel !", ce Untel étant pluriel : J.P. Chevènement, Christiane Taubira pour le Parti Radical de Gauche, l'écologiste Noël Mamère, le communiste Robert Hue... 

Autant dire que c'est l'ensemble des alliés du Parti socialiste au sein de ladite "Gauche Plurielle" qui font faux bond à Jospin au premier tour de cette présidentielle. Bien évidemment, tout le monde a compris qu'en se coalisant dès le premier tour, la gauche aurait permis à Jospin de se qualifier pour le second. (Lien)

Mais qu'a-t-il bien pu se passer pour que les choses tournent à ce point au vinaigre pour Jospin ?

La prédiction de Mitterrand, pardi ! Tant il est vrai que le premier ministre de cohabitation que fut Jospin s'est contenté de jouer les comptables, grisé qu'il a été par les bons sondages mais, surtout, intoxiqué par le venin de l'autocratie et du bonapartisme, lui qui fut qualifié de "Président Bis".

Et pourtant, dit l'adage, un homme averti en vaut deux. Et c'est là que Jospin aurait dû méditer le sort de Jacques Chirac en 1988, premier ministre de cohabitation sortant, battu par celui-là même qu'il s'était évertué à humilier durant deux ans. Mais il faut croire que le personnel politique n'a pas de mémoire. 

C'est ainsi que Jospin, le 'président bis', a passé les cinq années de son mandat de premier ministre à rabaisser ses partenaires de la Gauche Plurielle, à commencer par l'écologiste Dominique Voynet. Au total, cette cohabitation aura vu les Verts passer cinq longues années à avaler les couleuvres.

Citation :
« Cela fait longtemps que je bride ma nature. J'ai enduré ce qu'il coûte d'être ministre écologiste de l'Environnement dans un gouvernement qui ne l'est pas. Au bout du compte, les Verts ont appris à participer au gouvernement. Définir un objectif lointain ne suffit pas, nous avons appris à dire comment on y va », martèle, depuis des semaines, la responsable des Verts, affichant une combativité toujours à la limite de la brutalité. Malgré quelques spectaculaires ratés _ comme cette absence totale de compassion en décembre 1999 à l'égard des victimes de la marée noire _, Dominique Voynet peut effectivement se prévaloir d'avoir fait exister les Verts, numériquement très faibles au Parlement, mais électoralement en pleine ascension. Si son bilan politique est incontestable, son bilan écologique est, lui, nettement plus mitigé. (source)
Aux abords de la présidentielle de 2002, mon attention a été attirée par deux interventions. Ce fut d'abord le pianiste antillais Mario Canonge, qui annonça dans Le Figaro qu'au premier tour, il voterait Taubira et irait à la pêche au second.

Étonnant non ?, venant d'un homme de gauche ! En fait, pas vraiment, si l'on prend en compte la deuxième intervention, venant de la part d'un enfant interrogé par la radio RTL en marge de la campagne présidentielle (cf. une série d'émissions intitulées "J'ai douze ans et je suis président"), ce qui nous a valu cette injonction :
Il faudrait peut-être arrêter (sic) qu'il n'y ait que des ministres blancs !
Ce gamin (ou cette gamine s'agissant d'une voix d'enfant) fort perspicace avait constaté que, durant toute cette cohabitation et au gré des remaniements, l'équipe Jospin n'aura intégré aucune personnalité "de couleur" ! (Lien)

Et dire que ce nigaud de Jospin en veut toujours à Christiane Taubira et aux écologistes de lui avoir savonné la planche, alors même qu'il se l'est bien savonnée tout seul !

J'entends d'ici les objections : "Mais, mon bon monsieur, qu'est-ce que tout ça a à voir avec les Gilets Jaunes ?".

Je vois qu'il y en a qui ont du mal à suivre les déambulations intellectuelles un peu trop analytiques ! Souvenez-vous du "Après moi, il n'y aura plus que des comptables !".

Il se trouve que j'ai consulté les commentaires ayant suivi la dernière prise de parole solennelle du président français ; vous savez ? Celui qui a créé un parti politique à ses initiales (E. M.) !

Les retraites par-ci, les niches fiscales par-là, augmentation de ci, diminution de ça... Je n'ai pas pu m'empêcher de penser à l'oracle François Mitterrand.

Le problème c'est qu'il y a toujours du monde dans la rue, notamment les samedis, ce qui va finir par faire jaser à travers le monde, les grands média internationaux, presse écrite, en ligne, audio-visuelle, notamment les télévisions (ABC, ARD, BBC, CBS, CNN..., NBC, NHK, ORF, RT, RTE..., ZDF) ne se privant pas d'en rajouter une couche, voire plusieurs. (source)

Pour ma part, il me semble avoir écrit ici que le problème, avec certaines personnes, était leur incapacité à faire la part de l'essentiel et de l'accessoire. Voyez les chapitres précédents. Et j'estime que la fin prochaine du régime bonapartiste français est de plus en plus désirée par un contingent de plus en plus important de la population. Je sais qu'à ce propos, les "comptables" vont m'opposer leur sempiternels sondages, dont je me contrefiche !

Il y a une décision essentielle à prendre, là, maintenant, pour restaurer un commencement de paix sociale dans ce pays, et elle passe par l'instauration de plus de démocratie, j'allais dire "directe", mais ce serait un pléonasme.

Vous voulez un pronostic ? Les Gilets Jaunes ont déjà gagné sur le plan institutionnel. Le reste n'est plus qu'une question de mois, soit 3 x 12 = trente-six mois tout au plus, tant je suis absolument persuadé que les deux candidats qui s'affronteront pour le second tour de la présidentielle de 2022 auront inscrit le R.I.C. (C pour Citoyenne) ou R.I.P. (P pour Populaire) tout en haut de leur programme.

Observons simplement que c'est parce qu'elle a fini par "piger"... que Marine Le Pen a sérieusement revu sa copie entre 2012 et 2017... Comme par hasard, là voilà qui se qualifie sans trop de mal pour le second tour en 2017. Chats échaudés craignant l'eau froide, gageons qu'à la suite de Le Pen, pas mal d'autres candidats (= bonapartistes patentés) vont tenter de s'engouffrer dans la brèche, voire l'ont déjà fait (Dupont-Aignan, Mélenchon...) en se convertissant à la démocratie directe ! Autant dire qu'à la prochaine présidentielle, l'adhésion à la démocratie 'directe' sera une condition sine qua non de la qualification pour le second tour.

On parie ?

En tout cas, que ceux qui sont prêts à parier le contraire prennent le temps de consulter les archives de ce modeste blog. Le fait est que mes analyses concernant Sarkozy (2007), Juppé (printemps 2011), le non départ de Fillon de Matignon (cf. le président de la République n'a pas le pouvoir de changer de premier ministre si ce dernier ne veut pas démissionner !), les tares de Mélenchon (favorable à l'agression de l'Otan sur la Libye) et Hollande (inactif, par calcul, après avoir été informé de la tentative de viol dont fut victime Tristane Banon)..., la duplicité de Hillary Clinton (automne 2016), le coup de pouce des occidentaux au profit d'Al Qaeda en Afrique du Nord..., voire le jeu plus que flou de Florian Philippot apparaissant comme intrus au sein du Front National (avant la présidentielle de 2017) se sont avérées pas trop fausses. Et, pour ce faire, moi, je n'ai eu besoin d'aucun sondage ! 


Petit supplément illustré

Un tableau de bord affiche régulièrement des liens de messageries ou autres sites via lesquels des visiteurs se sont connectés sur ce blog. J'ai cliqué sur l'un d'eux et ai atterri sur ce qui suit. Ce n'est pas le Pérou, mais apparaître sur la première page d'un moteur de recherche, même à la dernière place, ça ne fait que confirmer ce que je savais déjà. Toutes mes félicitations aux futés et futées qui prennent le temps de consulter régulièrement ma prose... Ce qui vous confirme, en passant, la raison de mon allergie pour les soi-disant réseaux sociaux, où la pensée est réduite à sa plus simple expression, les fautes d'orthographe et de syntaxe en plus !

Épisode 7, un des plus consultés récemment : 'Biscotos versus ciboulots'


Lectures :  01  -  02  -  03 - 04  -  05  -  06  -  07  -  08 (pour le reste, voyez les archives !)

vendredi 19 avril 2019

Gilets jaunes, colère noire et volée de bois vert #21


Épisode §21. Mais au fait, c'est qui le souverain ?

En ces temps de grand dérangement cérébral chez certaines "élites", qui donnent l'impression de ne plus savoir où elles habitent, peut-être serait-il utile de poser quelques jalons, histoire de se remettre les idées bien en place.

Voilà que, depuis quasiment le début de leur mouvement, les Gilets Jaunes réclament l'instauration d'un R.I.C., concept dont ils ne sont pas les auteurs, puisqu'il existe en Suisse depuis la nuit des temps sous le vocable de "votation" et apparaît de manière plus ou moins locale dans divers systèmes politiques (Californie...). 
"Dans la plupart des cantons en Suisse, mais aussi aux Etats-Unis [dans les villes, les Etats, etc.], les citoyens peuvent ainsi proposer une loi dès qu'ils ont le nombre suffisant de signatures, détaille le chercheur au Centre d’histoire des idées politiques et des institutions de l’université de Lausanne. En Suisse, ils peuvent aussi, par ce moyen, approuver ou désapprouver un texte voté par le Parlement." (Source)
Cette demande de démocratie directe est-elle nouvelle en France ?, s'interroge-t-on sur le site francetvinfo, cité plus haut.
Non. "Il y a deux conceptions de la citoyenneté, explique l'historien Gérard Noiriel. Une conception dominante, qui est la délégation du pouvoir avec un bulletin dans l'urne tous les cinq ans, et une conception populaire, qui est la participation directe. C'est celle des 'gilets jaunes' qui disent : 'Nous, on ne veut pas déléguer notre pouvoir à des chefs qu'on ne connaît pas.' En 1871, la Commune de Paris a appliqué cette démocratie directe. Les citoyens parisiens se réunissaient physiquement dans des assemblées générales, et ils choisissaient des délégués, qui étaient révocables et devaient rendre compte de ce qu'ils faisaient." 
Depuis des années, des élus plaident en faveur d'une démocratie plus directe. L'ancien député socialiste Arnaud Montebourg défendait dès 2001 une trentaine de propositions pour une VIe République, dont celle-ci : "Chaque collectivité territoriale peut consulter sa population sur les questions qui relèvent de leur compétence. (...) La même disposition de référendum d’initiative populaire est établie pour la proposition ou l’abrogation des lois de la République. Une loi organique en fixe les modalités et conditions." 
Lui aussi fervent partisan d'une VIe république, Jean-Luc Mélenchon, leader de La France insoumise, avait inclus dans son programme présidentiel de 2017 la création d'un "référendum révocatoire d’initiative populaire ". Celui-ci devait pouvoir mettre en cause la responsabilité politique d’un représentant, "même le conseiller général du coin", rappelle Le Monde. 
Comme je l'ai déjà signalé dans de précédents articles, la candidate (à l'élection présidentielle) ayant manifesté le plus de constance en faveur de l'initiative populaire est sans aucun doute Marine Le Pen (2012, 2017). Enfin, quand j'écris "sans aucun doute", il me semble avoir déjà épilogué sur la question, notamment sur le fait que Le Pen ait été d'une discrétion totale sur la question durant la campagne présidentielle de 2012.

Quant à l'acronyme R.I.C., pour Referendum d'Initiative Citoyenne, il apparaît de facto en 2013, à l'occasion du lancement en ligne d'une pétition ayant dépassé, depuis, les 214.000 signatures. (Source)

Or, ne voilà-t-il pas que de belles âmes, notamment des politologues et autres intellocrates (cf. Olivier Duhamel, François de Closets), viennent nous expliquer que trop de démocratie pouvait tuer la démocratie, la référence absolue étant, selon eux, la "sacro-sainte" démocratie représentative.

Et c'est là qu'il semble utile de revenir à la sémantique (décidément !, vont penser certains...), c'est-à-dire au sens strict des mots.

Par parenthèse, où a-t-on vu que gouvernement du peuple par le peuple voulait dire obligation pour ledit peuple de se départir en permanence de ses prérogatives au profit d'une oligarchie, fût-elle élue, ainsi que le sous-entendent les tenants de la "démocratie représentative" ?
Le Souverain est la personne qui exerce seule le pouvoir politique dans un État. Dans les démocraties constitutionnelles, et sous la Ve République, le Souverain est le peuple comme détenteur du pouvoir constituant, et les gouvernants ne sont que des magistrats constitutionnels. (Source)
En démocratie, le souverain c'est le peuple, par transposition verticale de la souveraineté, de la personne du roi, vers le corps social (= le peuple) dans son ensemble. 

Précisément, offrons-nous un petit retour en arrière, au temps dudit "Ancien Régime" : comment les choses se passaient-elles du temps où le souverain se réduisait à la personne d'un monarque ?

Rappelons tout d'abord que la souveraineté royale reposait sur le principe de l'élection divine via un sacre (Reims à une époque, voire Notre-Dame de Paris pour Napoléon) par l'autorité ecclésiastique.
La monarchie d'Ancien Régime (la monarchie désignant le gouvernement d'un seul) a des limites avant tout religieuses. On a affaire à une monarchie de droit divin, symbolisée par le sacre du roi de France à Reims. Le roi est réputé choisi par Dieu pour exécuter sa volonté et ses sujets doivent à ce titre le respecter et lui obéir. Comme preuve de ce rapport particulier avec Dieu, les rois de France étaient réputés guérir une certaine maladie, les « écrouelles », par imposition des mains. (...) 
Au sortir du Moyen Âge, la monarchie évolue vers le gouvernement absolu, conformément aux théories politiques exprimées par Jean Bodin, un juriste d'Angers, dans Les six Livres de la République (1576). Celui-ci fait valoir que la souveraineté ne se divise pas et conteste la multiplicité des pouvoirs hérités du Moyen Âge. Il en arrive à considérer que le souverain est au-dessus de la loi. 
La monarchie absolue apparaît comme un gouvernement centralisé dans lequel tout le pouvoir réside dans le roi : 
pouvoir législatif : le roi fait la loi, 
pouvoir exécutif : le roi fait exécuter la loi par ses ministres et ses « officiers » ou fonctionnaires, 
pouvoir judiciaire : le roi de France délègue ses pouvoirs à des magistrats indépendants, propriétaires de leur charge, qui siègent dans les parlements et exercent la justice d'appel (ils tranchent en dernier ressort lorsque la décision d'un tribunal ordinaire est contestée) ; le roi se réserve toutefois le droit d'interner toute personne de son choix par une « lettre de cachet ». 
Mais en dépit de Jean Bodin et ses émules, le pouvoir royal demeure jusqu'à la Révolution strictement encadré par les assemblées traditionnelles (parlements, états provinciaux, assemblées paroissiales, assemblée du clergé...) et les us et coutumes locaux. (Source)
Retenons du concept de souveraineté sous l'Ancien Régime que le monarque pouvait déléguer une partie de ses pouvoirs, sans jamais s'en délester complètement : à tout moment d'une procédure, le roi pouvait "retenir" ses prérogatives.
Succédant à une justice exercée par les seigneurs et le clergé dans chaque province sous la féodalité, apparaît sous la monarchie la justice royale. 
Les Rois de France rendent désormais la justice et assoient progressivement leur autorité judiciaire. 
Lors des sacres, l'archevêque de Reims remet la " main de justice ", signe d'équité, et l'épée, glaive de justice. Ainsi, le Roi reçoit de Dieu le pouvoir spirituel et temporel de rendre justice. La justice d'origine divine devient donc l'émanation du roi de France. Le premier devoir du roi à l'égard de ses sujets est de faire à tous bonne et prompte justice à l'image de Saint-Louis, sous un chêne à Vincennes. 
Jusqu'au XIIIème siècle, le Roi expédie lui-même les affaires, entouré de conseillers ; c'est l'époque de la "justice retenue", nécessaire au maintien de son autorité. 
Puis, les rois successifs délèguent progressivement leur pouvoir judiciaire à des juges spécialement nommés, tout en gardant un droit de regard sur les affaires et en conservant le pouvoir de juger eux-mêmes une affaire déjà entamée ou de l'attribuer à une autre juridiction (droit d'évocation). (Source)
Du coup, on est en droit de s'interroger sur les raisons pour lesquelles tant de régimes prétendument démocratiques rechignent à instaurer la démocratie directe, alors même qu'elle est dans l'ordre "naturel" des choses : dès lors que le souverain n'est plus un monarque, mais le peuple, d'un point de vue strictement philosophique, ne serait-il pas normal que le souverain populaire délègue ses pouvoirs quand ça l'arrange, tout en s'arrogeant le droit de "retenir" ces mêmes pouvoirs quand il juge opportun de le faire ?





De fait, les politologues, politiciens et autres politocrates qui s'évertuent à dénigrer la démocratie directe tentent, avant tout, mais sans convaincre grand monde, d'inverser l'ordre logique des choses, faisant passer la règle - le pouvoir par le peuple et pour le peuple - pour une exception, et l'exception - l'exercice du pouvoir par simple délégation - pour la règle, alors même qu'en bonne logique sémantique, la démocratie c'est l'exercice du pouvoir pour le peuple et par le peuple. Point.

Par la suite, c'est au peuple souverain (pléonasme !), et à lui seul qu'il incombera, par dérogation à la règle, d'organiser l'exercice pratique (et délégué) du pouvoir par les procédures qu'il jugera utiles.

Ce qui veut dire qu'à l'instar du souverain d'ancien régime, le souverain démocratique pourra - devrait pouvoir - à tout moment déléguer... et à tout moment retenir son pouvoir  de décision.

C'est bien la raison pour laquelle le referendum d'initiative populaire ou citoyenne est consubstantiel du concept même de démocratie !

Par voie de conséquence, il faut bien prendre conscience de l'anomalie structurelle manifestée par tant de régimes prétendument démocratiques qui, à aucun moment, n'imaginent que le peuple puisse exercer lui-même le pouvoir, alors même qu'avec les nouveaux moyens offerts par la communication électronique, les citoyens disposent désormais de la faculté de s'exprimer quasiment en temps réel sur les choses relevant de la vie de la cité, voire de la nation.

Par ailleurs, compte tenu de ce qui précède, à savoir l'identification de qui est le souverain en démocratie, ce n'est pas aux représentants du peuple qu'il incombe de dire ce que le peuple doit faire ou ne pas faire, dès lors qu'ils ne détiennent pas plus de souveraineté que les représentants du roi sous l'Ancien Régime !

On résume ?

En plaçant très haut cette revendication autour du RIC, les Gilets Jaunes montrent qu'ils ont compris l'essentiel, voire qu'ils ont tout compris en matière de gestion de la chose publique, et c'est bien ce qu'il y a de remarquable dans ce mouvement, dont on - quelques mauvaises langues représentant la caste oligarchique - nous dit qu'il proposerait à peu près tout et n'importe quoi, voire partirait un peu dans tous les sens, ce qui est absolument faux ! Mais bon, tout le monde ne dispose pas de la capacité intellectuelle d'apprécier à sa juste valeur un mouvement social ! Et puis, mettons-nous à leur place : politiciens, politologues et autres politocrates ne connaissant rien de la vie des vraies gens, ils en sont réduits à se fabriquer un peuple artificiel à coups de sondages et d'échantillons soi-disant représentatifs... Or, ces sondages n'ont pas vu venir le mouvement des G.J. !

Du coup, si j'avais un conseil à donner à certains représentants du peuple, qui se prennent pour des détenteurs du pouvoir, c'est de se rappeler simplement qui ils sont vraiment : des larbins au service du peuple, et rien d'autre !


Lecture : dans la rubrique "Mais pourquoi donc l'oligarchie a-t-elle à ce point peur du peuple ?", une interview dans Marianne.